Lorsque j’allaitais mon bout’chou, j’ai entendu ceci : « il ne veut pas prendre le biberon car vous l’allaitez… il est trop fusionnel avec vous ! Beh oui, tous les bébés allaités sont fusionnels avec leur mère »
Et voilà encore une remarque en pleine figure sur l’allaitement et indirectement sur la relation mère-enfant. Mais cela ne m’a pas atteint parce que j’étais sûre de mon choix.
Vu que beaucoup de personne ont cette croyance (limitante soit dit en passant , pour lire mon article sur les croyances limitantes, c’est par ici), j’avais envie de creuser un peu pour en savoir plus et avoir des pistes d’explications.
Pour cela, remettons les choses dans leur contexte car il y a plusieurs notions sur la table.
Et notamment la notion de séparation de la mère et de son bébé afin que ce dernier soit autonome le plus vite possible afin de pouvoir prendre un biberon sans broncher !
Mais comment ce petit être qui n’a connu que la proximité et la chaleur d’un ventre rond peut-il être autonome à trois, six ou même neuf mois (et parfois plus !) ?
Les bases de l’allaitement maternel
Nous l’avons vu dans l’article « les bébés nés à termes sont prématurés », toute l’importance du portage. Si vous ne l’avez pas encore lu, il est encore temps 😉
Nous avions vu qu’il y a des mammifères qui cachent leurs petits dans des nids ou des tanières comme les lapins. Ceux qui les emmènent partout, agrippés au corps de leur mère comme les primates. Et ceux qui suivent leur mère à pieds comme les moutons.
Pourquoi ?
Outre l’explication dans l’article du portage, voici un extrait du livre de Carlos Gonzalez « Serre-moi fort » :
« La lapine laisse ses petits cachés dans le terrier et ne leur donne la tétée qu’une à deux fois par jour. Elle passe plus de temps possible loin du terrier pour ne pas attirer les loups par son odeur. Pour passer tant d’heures sans se nourrir, les lapereaux ont besoin d’un lait très concentré : 13% de protéines et 9% de matières grasses.
Les chevreaux suivent leur mère partout et tète quasi en continu car le lait de chèvre ne contient que 2.9% de protéines et environs 4.5% de matière grasses.
Le lait de femme contient 0.9% de protéines et environs 4.2 % de matières grasses.
Combien de temps pensez-vous qu’un bébé puisse tenir le coup entre deux tétées avec ça ? »
La voilà la différence fondamentale entre les mammifères qui cachent leur petit dans des nids et ceux qui les emmènent partout ! Les primates ont besoin d’un contact continue avec leur mère. L’être humain appartient au groupe d’animaux qui allaite en continue et qui garde son petit tout près de lui.
Poussée de croissance ou pic de croissance ?
C’est normal que le bébé passe des heures au sein … et il y passera un certain temps !
Parfois il tétera souvent et les tétées seront brèves… à d’autres moments, il tétera moins fréquemment mais plus longtemps.
De temps en temps, il vous laissera quelques heures de répits à un moment ou vous ne vous y attendrez pas et vous serez presque tentée de le réveiller !
Quelques fois il tétera souvent et longtemps et vous aurez l’impression d’avoir passé votre journée à lui donner le sein.
Au fil des premières semaines (et des premiers mois) de vie de votre bébé, vous ferez face à des jours de pointe ou des « poussées de croissance » c’est-à-dire, des périodes de quelques heures ou quelques jours où votre bébé tétera beaucoup plus qu’à son habitude.
Vous remarquez que votre bébé se réveille plus souvent, qu’il est grognon, demande à être porté, pleure dès qu’on le pose, ne parvient plus à s’endormir.
Ah et la nuit, les tétées sont plus fréquentes et parfois plus courtes.
Et par-dessous tout, il ne semble pas vraiment satisfait, ni au sein, ni dans les bras !
Surtout ne lui refusez pas le sein ! Durant ces pics, point d’inquiétude, votre lactation s’adaptera pour nourrir votre bébé. Et si vous donnez le biberon, et bien vous ne serez pas épargnez par ce qui suit.
Les différentes phases de la poussée de croissance
L’évolution d’un petit être se fait de manière progressive mais pas de façon linéaire ou régulière ! Il y a des cycles successifs avec des phases de stabilité et des phases déstabilisation.
Durant les phases de stabilité, le bébé consolide ses premiers acquis comme respirer, dormir, être à l’aise dans son environnement, être en relation avec l’adulte qui s’occupe de lui…
Ensuite il y a les phases de déstabilisation où entrent en jeu l’acquisition et l’apprentissage de nouvelles expériences : un déménagement, de nouvelles personnes dans sa vie, de nouvelles compétences…
C’est cette déstabilisation qui est inconfortable pour le bébé : ses anciens modes de fonctionnement et de perception sont bousculés. Son sommeil est plus fragile, ses éveils sont plus agités. C’est un peu comme s’il téléchargeait un nouveau logiciel !
Donc un bébé qui demande plus souvent les bras et la tétée fait partie de ses façons de se réassurer. Il retourne vers quelque chose de rassurant et qu’il connait ! Ce sont loin d’être des « caprices », ce sont plutôt des phases qui se passent mieux quand les parents (et l’entourage !) les comprennent et les accompagnent
Et le pic de croissance dans tout ça ? Le pic de croissance est plutôt associé à des journées où le bébé dort beaucoup. Il grandit… Silence ça pousse !
Toutefois, assurez-vous que pendant ces périodes qu’il mouille bien ses couches et que sa courbe de poids n’est pas trop modifiée sans quoi il est utile de vérifier qu’il n’y a pas d’autre cause à son comportement.
Quand est-ce que mon enfant sera autonome ?
A votre avis, comment se passe ou va se passer l’entrée en crèche de votre bout’chic ? allaité ou biberonné, ça n’a pas d’importance finalement car le comportement sera le même : il se réveille plus souvent, il est grognon, demande à être porté, pleure dès qu’on le pose, ne parvient plus à s’endormir ou se réveille souvent.
Et comment ça se passe avec des enfants plus grands lors de l’entre à l’école ou lors d’un événement marquant (déménagement, décès, vacances, divorce…) ? Pleurs, « crises », problème de sommeil, pipi au lit ?
Dans tous les cas, les enfants ont besoin d’être rassurés avec une tétée ou dans les bras. Que leur base affective soit stable afin de pouvoir grandir, être confiants et autonomes.
Le sein, le sein, toujours le sein
Il est bon de savoir que le besoin de succion persiste bien au-delà de la première année de vie du bébé. On voit des tas d’enfant qui sucent leur pouce, une tutute, un doudou ou un biberon bien au-delà de l’âge auquel les enfants se sèvrent du sein.
Pourquoi cette indulgence pour l’enfant qui suçote une couverture et ce regard scandalisé pour celui qui vient se réconforter au sein de sa mère !??
Evidemment, le premier est considéré comme plus « autonome » puisqu’il se débrouille tout seul. Il se satisfait d’un objet à la place d’une relation avec un être humain.
Quand le bébé est malade, triste, ou qu’il s’est cogné au coin de la table, n’est-il pas merveilleux d’aller se réconforter dans le creux des seins de sa maman ?!
Et puis enfin, quel plaisir de faire un câlin, de se poser un peu, d’avoir un moment calme. Rien de tel que la douceur d’une tétée.
Résumons
Quoi que nous ayons appris, lu, vu, entendu, cru ou rejeté tout a long de notre vie : nos enfants naissent tous pareils et identiques à ce qu’ils étaient il y a cent mille ans.
Ils naissent sans avoir vu, entendu, lu, cru ou rejeté quoi que ce soit ! A leur naissance, leurs attentes ne sont pas marquées par l’évolution culturelle (il faut faire ceci cela, non pas ça…) mais par l’évolution de leurs gènes (proximité de ses proches = sécurité).
A mesure que le bébé grandi, il apprend à connaitre, à accepter les normes et coutumes de sa culture. C’est un processus graduel qui s’étale sur des mois et des années.
Il ne s’adapte certainement pas instantanément à nos désirs.
Donc oui, un bébé est par définition fusionnel et peu importe qu’il soit allaité ou biberonné car
* le lait maternel est pauvre en protéine et en matières grasses
* à certains moments clés de sa croissance, il vit des phases de déstabilisation (apprentissage, changement d’environnement…)
* le besoin de succion persiste bien au-delà de la première année de vie du bébé
* il a besoin de réconfort, une base de confiance stable pour bien grandir.
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J’avais posé la question sur ma page FB : « Selon vous, est-ce que les bébés allaités son fusionnels ? »
Anne : mettre le collage en rapport avec l’allaitement est une erreur profonde
Maud : Je pense… que c’est un terme inapproprié 😛 et je rejoins Jane ci-dessous, peut-on être trop ? C’est dans la nature d’un bébé humain d’être collé à sa mère jusqu’à être prêt à conquérir son univers autour de lui. Je me demande quand est apparue cette « expression ».
Alix : La connexion entre la mère et l’enfant est renforcée ça c’est certain, de là à dire qu’ils sont trop fusionnels, je ne pense pas, ils ont juste besoin de leur mère comme tout bébé normalement constitué. Par contre c’est vrai que dans le monde actuel, c’est parfois compliqué pour la maman de devoir allaiter quasi tout le temps, en période de pics de croissance par exemple (toutes les 20 mn en ce qui me concerne… y compris la nuit…). Et le lien créé par l’allaitement fait aussi que la maman a il me semble encore plus de mal à laisser son enfant pleurer. J’imagine que ça doit être chimique tout ça.
Daphné : Je ne sais pas si c’est trop… mais je dirais quand même qu’ils sont fusionnels oui #mamandedeuxkoalas
Et Jane : peut-on être trop fusionnel quand on est un bébé ?
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Cet article vous a plus ? Un ptit partage fait toujours plaisir !!
Très chouette article qui participe à ce que ce normalise ses notions! merci! 🙂
Superbe article ! Ma formatrice en yoga pré et post-natal (une certaine Dr Bernadette de Gasquet) m’avait dit ceci : « Un nourrisson n’a besoin que d’une chose : sa mère ! »
Quand on part de là, tout est plus clair, je trouve… ça permet d’éviter les compulsions acheteuses et la culpabilité sur la fameuse fusion qui s’appelle tout simplement « l’amour » <3
ah oui, tout un sujet aussi les compulsions acheteuse 🙂
Et, waouw trop bien d’avoir été formée par Bernadette de Gasquet !! 🙂
Tous les bébés humains sont censé être « fusionnels », portés, allaités. Même si la société moderne voudrait nous faire croire le contraire 🙂
oui, je suis évidemment bien d’accord.. pas évident de sortir du poids de cette « société » mais quand on y arrive, ça fait un bien fou!